Le filigrane du papier de cette lettre, visible seulement par transparence, représente une couronne.
(The watermark on the stationery of the letter above is the image of a crown which appears when the letter is held to a light source.)
Lundi [22 août 1904] (1)
Mon cher Antoine
Que deviens-tu? Donne-moi de tes nouvelles! Où sont les Yeatman que je les remercie des jolies cartes postales? (2) J’ai bêtement raté la visite d’Emmanuel et en suis inconsolable. (3) J’ai été quelques jours sur le yacht du beau père de Billy. Joli bateau, jolie navigation, jolies femmes. Je ne sais où je vais repartir. Je ne puis comprendre comment ta cousine a été dédécorée, puisque c’était signé. (4) C’est une grande déception pour moi bien que je n’attache pas à ces choses-là beaucoup d’importance. Je pense affectueusement à toi et je serais content d’avoir de tes nouvelles.
Marcel Proust
(1) o. ph. Coll. U. Ill. Sur papier de grand deuil. Ne porte que la date du Lundi ; doit dater du lundi 22 août 1904 : allusions à la croisière à bord du “yacht du beau père de Billy”, à la décoration de Mme de Noailles. Voir la note (4) ci-après, et la lettre où Proust annonce son retour de la croisière, lettre que nous datons du Lundi soir [15 août 1904] .
(2) Cf. la lettre à Léon Yeatman, ci-après, que nous datons du Mercredi [24 août 1904] .
(3) Les princes Antoine et Emmanuel Bibesco sont nommés parmi les personnes ayant assisté à une représentation de Le Coeur a ses raisons chez Mme Eugène Pouquet ( Le Figaro , 29 mai 1904, p. 2); Le Figaro du 10 juin 1904 note qu’ils ont donné un thé à l’hôtel Ritz . Le Figaro du 24 juin 1904 annonce, sous la rubrique des déplacements et villégiatures : “M. le prince Antoine Bibesco, à Londres.”
(4) Le Gil Blas du lundi 8 août 1904, page 2, annonce, sous la rubrique Le Diable Boiteux. Le ruban rouge : “… La comtesse Mathieu de Noailles n’aura pas le ruban rouge cette année. Le ministre l’avait pourtant mise sur sa liste. Mais la grande chancellerie a trouvé que l’auteur du Visage émerveillé était trop jeune. Espérons que douze mois suffiront à réaliser le miracle de rendre Mme de Noailles assez vieille.”
Kolb, Philip. Correspondance de Marcel Proust , tome IV. Librairie Plon, Paris, 1978.